L'Union Sacrée vacille, et le Président Félix Tshisekedi ne s'en cache pas. Lors d'une récente rencontre avec les élus de sa majorité, il a exprimé son profond mécontentement. Le Chef de l'État a été clair : ceux qui ne partagent pas sa vision peuvent prendre leurs distances.
Pourtant, il y a à peine deux semaines, le 9 décembre, Tshisekedi a reçu Vital Kamerhe, son principal allié, pour une discussion de plus de deux heures. Si le président de l'Assemblée nationale n'a livré que peu de détails à l'issue de cette entrevue, des informations plus précises ont depuis émergé. D'après des sources proches de la présidence et des indiscrétions du cabinet du président de la Chambre Haute, il apparaît que la modification de la Constitution était au cœur des échanges entre les deux hommes.
Le « ni-ni » version Kamerhe
Un proche de Vital Kamerhe a révélé les conditions posées par le président de l'Assemblée pour conduire ce projet de changement de Constitution. "Il faut associer l'opposition et la société civile à la commission chargée de proposer la nouvelle Constitution", aurait-il affirmé à Tshisekedi. Kamerhe a insisté pour que cette commission soit composée de 8 membres de la Majorité, 8 de l'Opposition et 8 de la Société civile, dont 4 désignés par les églises catholique et protestante. Pour couronner le tout, Kamerhe aurait ajouté : "Je conduirai le changement de la Constitution à condition que vous confirmiez que vous ne serez pas candidat à un nouveau mandat." Pour lui, il ne faut ni un troisième mandat, ni un premier mandat sous la Constitution de la IVème République. Cette politique de "ni-ni" a profondément irrité le Chef de l'État.
Ainsi, derrière les portes closes et les murmures des couloirs, se jouent les enjeux cruciaux d'une nation en quête de stabilité et de renouveau. Felix Tshisekedi se prépare à une bataille politique ardue, où les alliances et les trahisons se tissent et se défont.
Jeu de dupes dans l’Union Sacrée
En privé, Félix Tshisekedi considère Vital Kamerhe et Modeste Bahati comme des traîtres, guidés par le seul désir d’enrichissement personnel au détriment de la majorité. Conscient de cette trahison, il sait qu’il ne peut plus compter sur ces deux leaders du Sud-Kivu pour mener à bien son projet. Jean-Pierre Bemba partage cette suspicion. Il a failli rejoindre la fronde des autres membres du praesidium de l'Union Sacrée, n'étant retenu que par la menace de perdre son statut et d'être extradé vers la justice française.
Initialement, le président du MLC avait proposé de ne réviser que quelques articles mineurs de la Constitution. Pour masquer cette volte-face, le Secrétaire général du MLC, Fidèle Babala, a publié un communiqué affirmant que le MLC soutenait le changement de la Constitution. Toutefois, les motivations de Jean-Pierre Bemba vont bien au-delà de ces propos.
En réalité, l'ambition qui anime Bemba est de prendre la place de Judith Suminwa à la primature. Cette dernière, en difficulté pour s’imposer en période de crise politique et sécuritaire, n’a pas su se montrer à la hauteur de ses responsabilités. Bemba, frustré de n’avoir pas saisi cette opportunité de justesse, voit dans le remaniement prévu au premier trimestre prochain une chance de revanche.
Ainsi, dans les arcanes du pouvoir congolais, les grandes manœuvres se poursuivent, jonglant entre ambition, trahison et stratégies complexes. Felix Tshisekedi, confronté à ses propres alliés devenus antagonistes, se prépare à une lutte sans merci pour sauvegarder sa vision et son autorité.
Face à l'opposition toutes tendances confondues et à l'Eglise catholique qui rejettent le changement de la Constitution, Félix Tshisekedi se prépare donc à une bataille politique intense, conscient que les tensions internes et les menaces externes pourraient peser lourdement dans la balance.
Le ralliement du beau-père
Reconnaissant la nécessité d'élargir la commission chargée de proposer le projet de changement de Constitution à l'opposition, il prête une oreille attentive aux avances insistantes de l'ancien Premier ministre Adolphe Muzito. Personnage à la recherche de positionnement, Muzito, par ailleurs beau-père du ministre de la Communication Patrick Muyaya, a depuis longtemps décidé en privé de rallier le camp du Chef de l'État tout en maintenant une position ambiguë de prétendu opposant.
Muzito estime que l'opposition ne lui offre aucun avenir, dominée par les figures de Kabila et Katumbi. Sa relation conflictuelle avec Fayulu, issu du même terroir du Kwilu, ne lui laisse aucun espace politique. De plus, ses antécédents en tant que Premier ministre l'ont laissé avec des dossiers compromettants, notamment la mauvaise gestion des fonds alloués à sa province, détournés à son profit.
Il y a opposition et opposition
D'autres opposants, comme Lisanga Bonganga, pourraient également être intégrés à la commission, permettant à Tshisekedi de présenter une opposition docile. Le Président se prépare donc à nommer les membres de cette commission qui devront lui soumettre un projet de Constitution. Celui-ci, une fois approuvé, lui permettrait en 2028 de briguer le premier mandat de la IVème République.
Ainsi, les préparatifs en sont à un stade avancé, et Félix Tshisekedi trace son chemin avec détermination. Les défis sont multiples, mais il navigue habilement entre alliances stratégiques et calculs politiques, prêt à affronter une opposition radicale et une opinion publique divisée. L'avenir se jouera sur le terrain politique, mais aussi face aux menaces sécuritaires à l'Est du pays, où des combats décisifs se poursuivent. Si la contre-offensive lancée par Kinshasa permet de stabiliser la région, Tshisekedi pourrait renforcer sa position et poursuivre son initiative de changement constitutionnel.