Les récits de figures notoires du grand banditisme ont toujours fasciné l'imaginaire collectif, avec des duos célèbres comme Bonnie et Clyde ou encore Ma Barker et son fils Fred. Chacun a laissé derrière lui un héritage de crimes passionnants, de défis lancés à la justice et d'une aura de mystère captivante. S'inscrivant dans cette lignée, un nouveau duo africain, Samba Bathily et Amadou Diabry, d'origine ouest-africaine, a émergé en vidant les caisses d'Alpha Condé en Guinée pour ensuite s'infiltrer au cœur du régime congolais.
Bathily, un homme d’affaires au-dessus des lois ?
En début de semaine, les couloirs de la justice attendaient accueillir Samba Bathily, l’homme d’affaires malien, invité par le procureur. Pour la seconde fois, ce dernier a délibérément fait faux bond à cette convocation. Une telle attitude ne surprend guère dans un pays où la justice semble courber l'échine face aux volontés d'un dirigeant dont la légèreté et la pusillanimité sont devenues légendaires.
Aujourd’hui, à l’entame de son second mandat, Félix Tshisekedi s'est embourbé jusqu'au cou dans la collusion avec une pègre constituée de sa parentèle, ses potes, ses courtisans et de quelques investisseurs étrangers. Ironique pour un pouvoir qui clame haut et fort la préférence congolaise de père et de mère. Au cœur de ce cercle restreint où le détournement des deniers publics, les commissions exorbitantes sur les fonds de l'État, les marchés publics trafiqués et les magouilles sont élevés au rang d'art, une poignée d'individus s'est arrogée le contrôle des affaires de ce despote éclairé. Parmi eux, Samba Bathily et Amadou Diabry se taillent la part du lion. Le premier est issu d’une famille aisée malienne, tandis que le second profite de son ascendance métissée guinéo-congolaise pour ouvrir toutes les portes du pouvoir congolais en un clin d'œil. Dans un système où être kasaïen assure privilèges et défense immunitaire, les origines de Diabry lui garantissent un accès direct.
Après avoir charmé le président Alpha Condé, qui doit regretter le jour où il a croisé le chemin de ces deux hommes, les deux compères se sont établis confortablement à Kinshasa. Diabry n'hésite d'ailleurs pas à proclamer que "Félix Tshisekedi est son frère".
Ces deux individus affichent tous les signes distinctifs des escrocs qui règnent en coulisses sur le pouvoir congolais. Leur cupidité insatiable pour le pouvoir et l'argent transpire à travers leurs actions. Leur principal moteur en boucle ? L'enrichissement personnel, la rapacité, la quête effrénée de profit et le mépris souverain des intérêts publics. Leur carence criante en éthique et en honnêteté les pousse à piétiner allègrement toutes les valeurs et tous les principes moraux en vue de leurs avantages personnels. En opportunistes aguerris, ils exploitent avec maestria les failles du système congolais pour s'assurer des faveurs illicites. Bénéficiant d'un réseau de complicités incluant bien évidemment d'autres individus sans foi ni loi pullulant autour du Chef de l'État congolais, ils cultivent un climat d'impunité qui les immunise contre toute poursuite judiciaire.
Main basse sur des milliards de dollars...
Ces derniers temps, le duo ne manque pas de se faire remarquer dans l'arène politico-financière de la capitale congolaise. Trois affaires sulfureuses ont fait les choux gras des médias, mettant en lumière leurs combines ténébreuses orchestrées autour de contrats juteux : la fourniture des cartes d'identité nationales, les forages de puits d'eau et les lampadaires d'éclairage public, ainsi que la construction de la fameuse Cité Financière de Kinshasa. Ces contrats mirobolants, attribués en toute opacité et au mépris total des règles de transparence et de la légalité par Félix Tshisekedi, se chiffrent en milliards de dollars. "Dans ce festin d'irresponsabilité et de corruption éhontée, nous atteignons des sommets inédits", s'indigne un représentant d'une ONG prônant la bonne gouvernance.
… Avec la complicité nécessaire de Tshisekedi
À l'instigation de Félix Tshisekedi, les trois affaires ont été ficelées en totale violation des principes de partenariat public-privé. Dans leur quête effrénée d'enrichissement, les comparses Diaby et Bathily, aveuglés par une impunité garantie par Tshisekedi, n'ont pas hésité à piétiner toutes les règles établies.
Face à ce déballage, et sous la pression de l'opinion publique, des ONG engagées pour la transparence, de la presse locale et d'une poignée de fonctionnaires intègres, la réaction des organes de contrôle congolais ne s’est pas faite attendre. L’affaire des forages et de l'éclairage public a mené à l'incarcération d'un ancien ministre, d’un homme d’affaires et à la fuite précipitée de l’ancien ministre des Finances, obligé de racheter très cher et en catimini, pour lui et sa femme, des billets d’avion sur le vol Air France dominical. Pour l'heure, Samba Bathily parvient habilement à échapper aux mailles de la justice.
Quant à l'affaire des cartes d'identité, l'Inspection Générale des Finances a mis en lumière de sérieuses irrégularités dans le contrat passé avec le consortium Afritech/Idemia dirigé par Samba Bathily. Dans une lettre datée du mois dernier, l'Inspecteur Général des Finances soulignait que le contrat de 697 millions de dollars impliquait une contribution de l'État congolais de 104 millions de dollars (dont 20 millions déjà versés) et 193 millions devant être apportés par Afritech/Idemia. Par ailleurs, ce contrat inéquitable stipulait qu'Afritech se verrait attribuer 60% des bénéfices sur 20 ans, ne laissant que 20% à l'État, alors que les 20% restants étaient destinés au remboursement des prêts accordés par les banques. Dans son rapport, l’inspection notait que "le consortium Afritech/Idemia ne possède pas les ressources nécessaires pour financer sa part. Le contrat stipule que l'État congolais doit fournir à ce consortium une garantie lui permettant de lever des fonds auprès des banques commerciales. Cette garantie consisterait en la séquestration des actifs de la Banque centrale du Congo par la banque prêteuse, une opération illégale voire impossible à réaliser. Le coût global du projet est considéré comme étant largement surévalué, notamment en ce qui concerne la construction des infrastructures évaluée à 444 millions de dollars. La durée prévue de 20 ans pour le partage des revenus du projet (2 milliards de dollars), dont 60% irait à Afritech/Idemia, 20% à l'État congolais et 20% au remboursement de la dette, paraît injustifiée compte tenu du manque de contribution concrète d'Afritech/Idemia qui dépend encore de la garantie de l'État ». Pour couronner le dossier, la société française Idemia/France, contactée par l'IGF, niait tout engagement dans ce projet de cartes d'identité en RDC, affirmant que la société Afritech était un simple client susceptible d'acquérir ses équipements. L'Inspecteur Général des Finances concluait donc que l'appellation utilisée dans ce projet, Afritech/Idemia, était simplement une "usurpation".
Une vaste supercherie, une de plus
Quant au projet de la Cité financière mené par l'entreprise turque Milvest, la construction de ces édifices flambant neufs est non seulement associée à un mépris flagrant et total de toute transparence en matière de marchés publics, mais également à une opacité aussi dense que le cœur des escrocs. En mai dernier, Nicolas Kazadi, ministre des Finances de l’époque, prétendait que les fonds préfinancés par le constructeur pour le Centre financier de Kinshasa, le Centre de Congrès de Kinshasa et le siège de l'Office des Routes avaient déjà été partiellement remboursés à hauteur de 110 millions de dollars sur un montant total de 290 millions convenus.
En septembre dernier, le président de Miller Holding, Thuran Mildon, avançait que le coût global des travaux s'élevait bel et bien à 290 millions de dollars, tous pré-financés par sa société. De surcroît, Thuran Mildon claironnait que Miller Holding allait injecter 60 millions de dollars dans l'hôtel, dont la direction serait également sous sa houlette. Selon les termes du pacte entre la RDC et la Turquie, toutes les structures de qualité élevée érigées par Milvest seront cédées à la RDC après un demi-siècle de bail par la société. Au sein de l’opinion congolaise, les protestations fusent. « 49 ans de contrôle pour un investissement dont le montant demeure le secret le mieux gardé du pays, voilà simplement une vaste supercherie", tonne un conseiller du ministère des Travaux Publics. Au sein de l'administration du ministère des Finances, les doutes se font pressants quant aux sommes réellement décaissées pour la Cité financière. « Kazadi aurait déjà englouti 302 millions de dollars dans ce projet. Au total, d'après nos estimations, ce centre devrait coûter 504 millions de dollars. Quant au préfinancement de la partie turque, il demeure aussi furtif qu'une ombre", révèle un haut fonctionnaire de la Direction du Trésor, préférant garder l'anonymat. « La Cité Financière, c’est la caisse noire de Tshisekedi », affirme un jeune étudiant de l’UNIKIN.
A quand Mbappé à Kinshasa ?
Aujourd’hui Milvest dit se préparer à investir 1,2 milliard de dollars dans la construction de l'aéroport international de Ndjili, les travaux devraient démarrer sous peu en septembre, dès que les arrangements finaux auront été ficelés avec Jean-Pierre Bemba et le ministère des Transports. Milvest s’intéresse également à la rénovation de la foire internationale de Kinshasa (Fikin), la création d'une arène de 20 000 places et l'installation d'une ligne de téléphérique menant au campus de l'université de Kinshasa.
Au-dessus de ces montages flous se dessine l'ombre d'Amadou Diabry. L’homme d’affaires guinéo-congolais aurait introduit ses amis turcs au Chef de l'État congolais.
Au sommet de son emprise sur Félix Tshisekedi, Diabry s'est lancé le défi audacieux de faire de l'AS Vita Club le joyau du Congo Kinshasa et de reléguer les Katangais du TP Mazembe aux oubliettes. Prenant place le jeudi 11 janvier 2024 devant une assemblée de supporters et de joueurs, Turhan Mildon, le président du Conseil d'administration de Milvest, a apposé sa signature sur un partenariat entre l'AS Vita Club et MILSPORT. Le fabriquant turc s'est engagé à injecter une somme colossale dans ce club. "À travers cet accord, notre ambition est de propulser l'AS V. Club au sommet des clubs du continent, en érigeant un stade, un centre de formation et un centre technique aux standards modernes. Nous promettons de transformer le club Vert et Noir de Kinshasa en une entité florissante sans égale sur le continent africain", a vanté Amadou Diabry.
Jetant un œil aux duos les plus retors de l'histoire, Samba Bathily et Amadou Diabry ne manquent certainement pas d'ingéniosité. De nos jours, ces deux individus placent une partie de leur mise dans le domaine du sport-business. Pour asseoir leur emprise dans un secteur qui brasse des milliards de dollars en provenance du Moyen-Orient, en début d'année, Samba Bathily, le Président Directeur Général d’Africa Development Solutions (ADS), s'est vu décerner au Mali le Prix d’Excellence du Mécène et Investisseur dans le sport et le tourisme. De son côté, le Président de l'AS Vita Club de Kinshasa, Amadou Diaby, s'est vu attribuer le Prix d’Excellence du Dirigeant Sportif et de la Promotion dans le tourisme et la culture.
Pendant ce temps, dans les quartiers de Kinshasa, les supporters du Daring Club Motema Pembe, le second club de la capitale, se sentent délaissés. Il est fort probable que les injections massives provenant des caisses de l'État dans le club rival, l'AS Vita Club, alimenteront ressentiment et animosité. L'avenir du football congolais semble se jouer en dehors de la pelouse du stade des Martyrs !
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