Le secret n’aura pas été longtemps gardé. La CENI et la Cour Constitutionnelle ont été instruites de procéder sans coup férir à l’invalidation des principaux candidats à l’élection présidentielle. Que ce soit Matata Ponyo, Denis Mukwege, Moïse Katumbi et Martin Fayulu, aucun n’échappe à la moulinette de la justice aux ordres de Félix Tshisekedi. Et qu’importe le "qu’en dira-t-on" et "le politiquement correcte", la démocratie à la congolaise ne s’embarrasse pas des états d’âme des chancelleries et des observateurs qui réclament un processus inclusif. L’élection de Félix Tshisekedi pour un second mandat ne souffrira d’aucune contestation puisque les adversaires vont mordre la poussière avant d’avoir engagé la bataille.
La course à l’élimination des candidats à l’élection présidentielle a commencé. La première étape de cette sélection démarre avec l’assemblée générale de la CENI qui devrait écarter deux candidats. Après cette publication, le dossier sera transmis par Denis Kadima à la Cour Constitutionnelle qui va à son tour se pencher sur les candidatures des "cadors" de la course présidentielle.
Un membre du cabinet du Président de la Cour Constitutionnelle confirme que les instructions ont été données par la Présidence de procéder à l’invalidation des principaux candidats en lice. "La Cour va tout d’abord condamner l’ancien Premier Ministre Matata pour son dossier de Bukanga Lonzo". Accusé d’avoir volé plus de 100 millions de dollars des fonds destinés au Parc Agro-industriel qui devait alimenter la capitale congolaise en maïs, le Premier Ministre est à nouveau mis sur la sellette. Dans un premier temps, après s’être déssaisie de ce dossier, la Cour s’est ravisée pour juger l’ancien chef du
gouvernement. Faisant fi de la demande des avocats de l’ancien Premier Ministre absent du pays dont l’état de santé nécessite des soins en Europe, la Cour Constitutionnelle a décidé d’examiner le dossier. Il ne fait aucun doute qu’elle va procéder à la condamnation du candidat.
Des indiscrétions glanées dans les couloirs de la Cour Constitutionnelle, la haute juridiction ne va pas s’arrêter au dossier de l’ancien Premier Ministre. Trois autres candidats sont également dans le viseur. Il s’agit du docteur Mukwege qui, selon les informations transmises à la Cour, serait né au Burundi. Utilisant un témoignage d’une ressortissante de Bukavu, les magistrats congolais disposent d’éléments remettant en question la nationalité du prix Nobel de la Paix congolais. Quant à l’ancien gouverneur du Katanga, la Cour Constitutionnelle remet en question son certificat de nationalité. "Moïse Katumbi a déposé un certificat de nationalité daté de 2015 signé par Alexis Thambwe qui, à l’époque, était ministre de la Justice et Garde des Sceaux. Quelques mois après, le ministre avait annulé ce document et depuis lors Katumbi n’a jamais sollicité ou obtenu un autre certificat ", affirme le conseiller du Président de la Cour Constitutionnelle qui garde l’anonymat pour des raisons de sécurité. Enfin, la quatrième grosse pointure ciblée par la Cour n’est autre que Martin Fayulu Madidi. L’homme qui, selon la presse internationale, a obtenu plus de 62% lors du scrutin de 2018 face à Félix Tshisekedi se présente sous le label de son regroupement amuka/Fayulu. C’est là où le bât blesse! La Cour Constitutionnelle ne reconnaît par ce regroupement qui serait issu de "l’imagination" de Martin Fayulu. "La validité des pièces attestant de l’existence juridique de ce regroupement manquent au dossier", confirme un des juristes de la CENI.
Tripatouillage entre Kasaïens
En réalité, Félix Tshisekedi est déterminé à éliminer tous ses adversaires de la course. Conscient de la difficulté à obtenir la majorité des voix de ses compatriotes, le Chef de l’Etat congolais a décidé de jouer son va-tout en mettant à contribution la Cour Constitutionnelle. Après avoir procédé à l’installation des hauts magistrats de cette juridiction en y nommant 7 originaires du Kasaï sur les 9 juges, le Président-candidat a verrouillé la Cour. Il revient à ses fidèles et à leur président Kamulete de renvoyer l’ascenseur au Chef de l’Etat.
Avant la publication de leur décision, Dieudonné Kamulete Badibanga et ses juges seront internés dans un lieu secret sous la protection de la Garde Républicaine. Craignant la réaction de la rue et les contestations violentes qui suivront l’invalidation des principaux candidats de l’opposition, la résidence du Président de la Cour Constitutionnelle est déjà placée sous protection.
En définitive, au sein de la classe politique congolaise et dans l’opinion, prévaut l’idée que Joseph Kabila et sa famille politique ont eu raison de boycotter les élections congolaises. "On se dirige vers une grande farce électorale. Ces élections sont organisées par le pouvoir pour le pouvoir", déclare un étudiant de l’UNIKIN qui vient de suivre la remise de la toge de docteur honoris causa au Président Tshisekedi.
Au sein de la majorité de l’Union Sacrée, l’humeur est à la fête. «"Quel que soit le prix à payer, il faut aller au forcing pour organiser les élections coûte que coûte", affirme un sénateur MLC qui ajoute qu'"un pouvoir n’organise pas des élections pour les perdre !".
Reste à savoir quelles seront les réactions des partisans d’Augustin Matata, de Denis Mukwege, de Moïse Katumbi et de Martin Fayulu. Il y a fort à parier qu’ils ne resteront pas les bras croisés et que les jours qui viennent risquent d’être très agités.
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