Clomme surgi du néant, un individu jusqu’à présent totalement inconnu vient, ce 21 octobre 2023, de s’octroyer les lettres de noblesse du premier de la tribu à laquelle appartient Félix Tshisekedi en contestant la candidature de Moïse Katumbi. En Afrique, Dieu seul sait si une tribu, ça compte ! Surtout quand il faut trouver les moyens nécessaires de sauver un frère dont le pouvoir est menacé.
Dans un document de 6 pages de littérature obscure, confuse et décousue, l’homme affirmant être muni d’un certicat d’indigence dit être né de Tshizubu Mbaya Mpinga Crispin Kataku Ntite d’origine de l’ethnie Bakwa Kalonji et de feu mère Bindila Léonie de l’ethnie Bakwanga. Il s’étale en long et en large sur les malheurs que Moïse Katumbi lui aurait fait subir. Dans un véritable salmigondis qui donne à croire que l’auteur est plus proche de l’hôpital psychiatrique que du tribunal, Junior Tshivuadi – c’est de lui qu’il s’agit - accuse Moïse Katumbi de tous les maux. Selon le requérant, l’ancien gouverneur qui ne serait pas Congolais aurait été condamné par la justice congolaise pour des faits qui conduiraient à son exclusion de la liste des candidats à l’élection présidentielle.
Ce qui intrigue les observateurs, c'est la célérité avec laquelle le président de la CENI a dépêché sa secrétaire pour se saisir d’un dossier tellement extravagant qu’il aurait dû être immédiatement rejetée puisque la soit-disant condamnation n'est nullement mentionnée sur le casier judiciaire vierge de Moïse Katumbi dont la copie originale avait été exigée par Kadima.
Foot panique à la présidence
Pour nombre d’observateurs, l’attitude des deux institutions est dictée par les instructions de la présidence de la République. Depuis plusieurs semaines, Félix Tshisekedi vit dans un profond désarroi. Ses collaborateurs sont divisés sur la stratégie à adopter quant au processus électoral. La candidature de Moïse Katumbi et celle de Denis Mukwege ont créé un mouvement de panique dans le sérail. D’aucuns voudraient opter pour une négociation avec l’opposition en vue d’une transition menant à des élections crédibles, d’autres pour un passage en force au risque de gérer un chaos inévitable. A ces hésitations et à la peur que suscite la candidature de Moïse Katumbi, se sont ajoutées les déclarations menaçantes du général John Numbi et les révélations de Corneille Nangaa l’ancien président de la CENI. A ce jour, le Chef de l’Etat congolais n’arrive pas à mesure l’impact de ces déclarations sur le moral de sa garde rapprochée, de l’armée et de la police congolaises dans lesquelles des milliers de jeunes Katangais recrutés par John Numbi sont déployés, y compris dans le tout premier cercle du Palais. La nomination du général Eddy Kapend est une première parade pour juguler l’effroi dans lequel vit aujourd’hui une partie de l’entourage présidentiel.
Kamuleta et Kadima sous pression
Sur le plan politique et de l’organisation des élections, la frustration de Félix Tshisekedi à l’encontre du Président de la Cour Constitutionnelle Dieudonné Kamuleta qui était dans l’impossibilité juridique de s’autosaisir et d’invalider la candidature de Moïse Katumbi est immense. Elle est tout aussi grande à l’endroit de Denis Kadima qui, selon le Chef de l’Etat congolais, n'aurait pas dû accepter de reprendre le nom de l’ancien gouverneur sur la liste des candidats retenus par la CENI. A telle enseigne que les deux hommes cherchent aujourd’hui à se racheter à tout prix. C’est la raison pour laquelle, contre toute attente et en dehors des règles habituelles, la secrétaire de Denis Kadima est allée à la Cour Constitutionnelle réceptionner la requête qui y avait été introduite Junior Tshivuadi.
Le noyau nucléaire familial au sein duquel trônent Marthe Tshisekedi et Denise Nyakeru ne désarme pas. Aux yeux des deux Dames qui encerclent le Chef de l’Etat, tout doit être mis à contribution pour abattre Katumbi devant la Cour Constitutionnelle. Le candidat Théodore Ngoy qui avait été initialement pressenti pour jouer le rôle du Katangais de service pour effectuer la basse besogne de porter plainte contre Moïse Katumbi s’étant refusé à jouer le rôle de Judas Iscariote aux yeux de sa communauté, le laboratoire présidentiel a dû changer à la hâte de stratégie. Hormis Théodore Ngoyi, d’autres candidats fabriqués par le pouvoir - notamment Noël Tshiani et Constant Mutamba - sont en réserve et prêts à servir les intérêts de Félix Tshisekedi. Soucieux de ne pas devenir redevables à des politiciens ambitieux et inconstants, les hommes du Président ont choisi d’opter pour un scénario inédit.
Comme un lapin tiré du chapeau d’un magicien, ils ont sorti Junior Tshivuadi, un parfait inconnu surgi de nulle part. Et pour que nul n’en prétexte l’ignorance, l’homme a décliné dans sa requête absconse et nébuleuse ses qualités tribales comme autant de titres de noblesses. Il s’agit certainement, si son nom ne l’indiquait pas assez, d’un signe de reconnaissance imparable.
Voilà donc le Président de la Cour Constitutionnelle, Dieudonné Kamuleta, appelé à statuer sur une des requêtes les plus ineptes jamais transmises à une Cour de Justice. Un conseiller de cabinet d’un Juge à la Haute Cour vitupère "cette requête n’aurait même pas dû franchir les portes de la Cour. Elle est manifestement irrecevable. Son auteur n’étant pas candidat président ni présenté par un parti politique à cette fin. C’est pourquoi le règlement intérieur de la Cour Constitutionnelle a prévu un mécanisme de filtrage. On ne comprend pas pourquoi Denis Kadima a dépêché sa secrétaire pour retirer cette requête. Voilà qu’on expose la Cour au ridicule en notifiant déjà à la Ceni, une telle requête qui aurait dû immédiatement être classée comme irrecevable".
La schizophrénie de Kadima
Il semble que le Président de la Cour Constitutionnelle préfère boire la coupe du ridicule jusqu’à la lie mais en "famille". Et quand on évoque la famille, Denis Kadima ne peut lui non plus y échapper. C’est aussi l’opinion d’un proche de la famille associé à la machine de reconduction de Félix Tshisekedi, par tous les moyens nécessaires. Un Conseiller à la présidence fraîchement débarqué de Belgique affirme que "Denis Kadima a pieds et mains liés avec le régime. Il avait pris des engagements fermes devant maman Marthe quand il était venu solliciter notre soutien pour devenir président de la Ceni. Maintenant pour plaire aux Occidentaux, comme il a toute sa famille aux Etats-Unis, il a peur des sanctions. Devant les Occidentaux, il fait la fine bouche et joue aux vierges effarouchées. Mais il est avec nous. Chacun a son rôle à jouer dans la victoire de Fatshi et dans l’élimination de Katumbi. Kadima sait qu’il doit jouer le sien. Soit il joue avec nous soit nous tomberons tous ensemble ».
L’auteur de ces propos, pourtant issu de la diaspora et bien introduit auprès des services du conseiller spécial en matière de sécurité, ponctue sa déclaration avec les gestes du croyant convaincu. Il fait remarquer qu’après sa décision d’admettre tous les candidats et avoir fait sur TV5 une interview où il a confirmé que tous les dossiers des intéressés étaient complets, Denis Kadima s’est retrouvé sur la sellette. Il a donc fallu que le Président de la Ceni joue au service minimum en déléguant son assistante pour se faire notifier une requête qu’il sait lui-même être manifestement irrecevable.
Justice kasaïenne
Pendant qu’à Kinshasa, Félix Tshisekedi, Denis Kadima et Dieudonné Kamuleta jouent aux valseuses, au Katanga, la colère grandit. "Même pour procéder à un montage grossier pour simuler une plainte, ils doivent le faire dans la tribu", affirme un cadre de la Gecamines. Hors du pays en raison du sabotage par le gouvernement congolais qui a conduit à la délocalisation de la rencontre de la Super League Africaine qui doit opposer le TP Mazembe à l’Etoile de Tunis, Moïse Katumbi garde le silence. Son retour est annoncé lundi prochain à Lubumbashi. Et c’est probablement lundi, que Ensemble pour la République, le parti qui a présenté la candidature de Moïse Katumbi, sera notifié par la Cour Constitutionnelle de la requête de Tshivuadi. La semaine qui commence va être pleine de rebondissement. La Cour aura sept jours pour statuer sur le dossier.
La paix, la stabilité et la suite du processus sont désormais suspendus à la décision que prendront les 9 juges de la Haute Cour, dont 7 d’entre eux sont originaires de la même province que celle à laquelle appartient Félix Tshisekedi. Affaire à suivre…
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