En vue de la prochaine réunion du praesidium de l'Union Sacrée prévue ce mardi 12 novembre, Félix Tshisekedi a lancé un ultimatum à ses alliés. Kamerhe, Bahati et Bemba doivent se prononcer en faveur du changement de la Constitution, sous peine de subir les conséquences de leur refus. L’UDPS, avec Augustin Kabuya à sa tête, est déjà mobilisée pour exiger la démission, voire la révocation, des récalcitrants.
À peine dix mois après sa prestation de serment, Félix Tshisekedi affiche déjà une obsession dévorante pour l'échéance de 2028. La décision du Chef de l’Etat annoncée il y a quelques semaines à Kisangani de modifier la Constitution pourrait conduire à un véritable bouleversement au sein de la coalition présidentielle. À l'intérieur de l'Union Sacrée, les principaux leaders demeurent silencieux. Tous ont conscience que cette révision constitutionnelle compromet leurs ambitions d'accéder à la magistrature suprême.
Des indiscrétions glanées à la présidence attestent que la Constitution de la IVe République mettra fin à la limitation des mandats présidentiels. Un proche du Directeur de cabinet du Chef de l’Etat affirme que « désormais, c'est le leader du premier parti issu des élections législatives qui accédera à la fonction de Chef de l'État. Nous nous sommes inspirés des modes de scrutin pratiqués en Afrique du Sud et en Angola ». Il est vrai que les autres dispositions à modifier par rapport à la Loi fondamentale actuelle sont d'ordre secondaire voire cosmétique hormis la fin de l’exclusivité de la nationalité congolaise et la nomination des gouverneurs de province. En réalité, Félix Tshisekedi semble déterminé à conserver le pouvoir à tout prix.
Silence embarrassé
Il va de soi que les réactions parmi ses alliés sont extrêmement prudentes. À ce jour, ni l’UNC de Vital Kamerhe, ni l’AFDC de Modeste Bahati, ni le MLC de Jean-Pierre Bemba ne se sont exprimés officiellement sur la question. Chacun semble hésiter, préférant attendre la dernière minute avant de quitter le navire de la coalition, où ils jouent le rôle de « porteurs d’eau » pour l’UDPS, qui est à la tête de la bataille pour le changement de la Constitution et le contrôle des instances du pouvoir.
Le Secrétaire Général de l’UDPS, Augustin Kabuya, s’active sans relâche pour convaincre ses partisans de la nécessité d’un changement immédiat de la Constitution. Le texte est déjà prêt, élaboré par une première équipe ayant œuvré dans la plus stricte confidentialité. Lors de son discours sur l'État de la Nation, prévu le 13 décembre prochain, Félix Tshisekedi devrait enfin clarifier la nature du projet de Constitution de la IVe République qu'il souhaite voir instauré en 2025.
Selon le calendrier établi par la Présidence, une commission constitutionnelle sera mise en place d'ici la fin de l'année. Celle-ci devrait soumettre le projet au gouvernement d’ici la fin du mois de février, afin qu’il soit présenté au Bureau de l’Assemblée nationale et inscrit à l’ordre du jour de la session de mars 2025.
Obstacles en vue
Deux obstacles majeurs doivent être franchis. Le premier concerne la loyauté des membres de l’actuelle majorité. Au cas où l’opinion congolaise exprimerait des réticences vis-à-vis du changement, Félix Tshisekedi souhaite s’assurer que les 3/5 des deux chambres voteront en faveur du texte. Il faut donc conserver Kamerhe et Bahati à bord de la barque. Le second obstacle se rapporte à la présidence de l’Assemblée nationale, où Vital Kamerhe constitue un véritable épouvantail pour le projet présidentiel.
Kamerhe, un caillou dans la chaussure
Il est important de rappeler que Félix Tshisekedi avait montré une certaine réticence à voir son ancien allié de la coalition CACH accéder à la tête de la Chambre. Il n'envisageait pas de le voir à la Primature ni à l’Assemblée nationale. Ce n’est qu’en dernière minute, après avoir imposé une primaire au sein de la majorité, qu'il a finalement accepté de confier la présidence à Kamerhe, le leader du Sud-Kivu.
Aujourd'hui, le Chef de l'État congolais semble regretter cette décision, perçue comme un moment de faiblesse face à un allié susceptible de poser des problèmes. Par ailleurs, dans certains cercles informés, on rappelle la tentative d’assassinat dont Vital Kamerhe a été victime lors de la récente vraie-fausse tentative de coup d'État. Les esprits mal intentionnés en concluent rapidement que le pouvoir avait orchestré cette rocambolesque affaire pour se débarrasser « proprement » de Vital Kamerhe.
Ce mardi 12 novembre, Félix Tshisekedi a lancé un ultimatum au présidium de l’Union Sacrée. Kamerhe, Bahati et Bemba doivent se prononcer en faveur du changement de la Constitution, sous peine de subir des conséquences. L’UDPS, avec Augustin Kabuya à sa tête, est déjà mobilisée pour exiger la démission, voire la révocation, des membres réticents. Cette situation rappelle les événements d'il y a une dizaine d'années, lorsque la famille politique au pouvoir de l'époque avait également tenté de modifier la Constitution. À cette époque, Joseph Kabila n'avait pas hésité à écarter des figures telles que Lumbi et Kamitatu, ainsi que d'autres membres de sa majorité qui s'opposaient au changement constitutionnel.
Bras de fer en vue
Dans les couloirs de la présidence, les opinions sont mitigées sur la manière de traiter le cas des alliés de l’Union Sacrée. Un des conseillers affirme que « On ne veut pas une crise brutale. La sanction au cas où Kamerhe et Bahati refusaient de se prononcer et de suivre le Chef de l’Etat sera graduelle ». Il poursuit : « On doit d'éviter un divorce immédiat ». Les conseillers de Félix Tshisekedi examinent actuellement les mesures de pression qui pourraient être mises en place. Cette épreuve de force pourrait commencer par des restrictions financières, suivies de la réduction des fonctions au sein des entreprises publiques et d'une limitation des avantages en nature, tels que les véhicules et autres privilèges liés au pouvoir. Connaissant les faiblesses de ses alliés, le Chef de l'État est convaincu qu'aucun d'entre eux ne peut se permettre de faire face à une disette financière ou d'envisager une période de vaches maigres voire une traversée du désert. Toutefois, le temps presse, car il reste moins de 30 jours pour préparer le discours à la Nation qui marquera le début officiel de cette confrontation entre le pouvoir et une opposition qui semble se renforcer dans ce contexte.
Une révision synonyme de balkanisation
En effet, sous la bannière du « Non au changement de la Constitution », une coalition se profile entre les forces d'opposition qui siègent dans les institutions, dirigées par Moïse Katumbi, et l'opposition non institutionnelle, comprenant le FCC de Joseph Kabila, Lamuka de Martin Fayulu, ainsi que d'autres figures d'opposition de renom telles que Delly Sessanga, Claudel Lubaya, Franck Diongo, JC Vuemba et Aena Tokwaulu. Parallèlement, à 1000 kilomètres à l’est, Corneille Nangaa et la rébellion de l’AFC-M23 affûtent également leurs armes. Une nouvelle constitution pourrait être adoptée, consacrant la création de la « République du Congo Libre », avec comme capitale la nouvelle ville que les rebelles envisagent de conquérir à l’est.
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